Que votre règne arrive
Le divin Maître nous ordonne de dire : « Que votre règne arrive. » Persécutés par les passions tyranniques du corps, assaillis par une infinité de tentations, nous avons besoin du règne de Dieu, afin que le péché n’exerce pas sa domination sur notre corps périssable, au point de nous asservir à ses convoitises criminelles, afin que nos membres ne deviennent pas entre ses mains des instruments d’iniquité, et de combattre sous l’étendard du Roi de tous les siècles. En outre, nous apprenons par là à ne pas estimer trop haut la vie de ce monde, à mépriser les choses présentes, à désirer les choses à venir comme permanentes, à rechercher ce royaume céleste et éternel, à ne pas nous attacher aux biens d’ici-bas, ni à la beauté du corps, ni à l’abondance des richesses, ni au nombre des propriétés, ni à l’éclat des pierreries, ni à la magnificence des édifices, ni aux dignités, soit civiles, soit militaires, ni à la pourpre et au diadème, ni à la variété et à la recherche des festins, ni aux raffinements du luxe, ni à aucune des choses qui charment nos sens, mais à leur dire à toutes un adieu sans retour, et à soupirer sans relâche après le céleste royaume. Après nous avoir donné cette leçon de vertu, le Sauveur nous enseigne une autre demande : « Que votre volonté se fasse sur la terre comme dans le ciel. » Ayant mis en notre âme l’amour des biens futurs et le désir du royaume céleste, ayant blessé nos cœurs de leur beauté, il nous met sur les lèvres ces paroles : « Que votre volonté se fasse sur la terre comme dans le ciel. » Donnez-nous, Seigneur, de mener sur la terre la vie du ciel, et de vouloir toujours ce que vous voulez vous-même. Venez donc en aide à la faiblesse de notre volonté ; car, désirant accomplir vos commandements, elle a trouvé un obstacle dans la misère du corps : tendez-nous votre main, à nous qui désirant courir, en sommes réduits à boiter. Notre âme, il est vrai, a des ailes, mais elle est appesantie par la chair ; elle serait prompte à s’élancer vers les choses célestes, mais la chair l’incline lourdement vers les choses terrestres. Avec votre secours, ce qui est tout à fait impossible deviendra possible pour nous. « Que votre volonté donc se fasse sur la terre comme au ciel. »
S. Jean Chrysostome, Œuvres complètes, t. III, Homélie sur la manière de vivre, p. 32 (Louis Vivès, 1869)