Réseau pédocriminel impliquant des ministres à Madagascar. Libres et impunis.
18.03.2025 Loire-Atlantique - France + Madagascar : Sa fille mineure se prostituait à Madagascar pour aider la famille. Parmi ses clients : deux ministres malgaches. Le père condamné à 2 ans de prison ferme.
Quand elle a ouvert « ce dossier donnant le vertige », en 2013, Cécile de Oliveira, avocate de la soeur, espérait que l’enquête déboucherait sur le démantèlement d’un « réseau pédocriminel au niveau d’un État », mais....
Les faits s’étaient déroulés à Madagascar entre 2010 et 2012. L’homme a été condamné à 4 ans de prison dont deux avec sursis pour proxénétisme, mercredi, à Nantes. Son ex-femme comparaissait à ses côtés pour soustraction à ses obligations. Elle a été condamnée à un an de prison avec sursis.
Les mains dans les poches de son blouson, trois chaînes en argent autour du cou, elle lance : « Madagascar, ce n’est pas la France, les gens sont solidaires. Si c’était à refaire, je recommencerais ! » À la barre du tribunal correctionnel de Nantes, mercredi, c’est une femme de 27 ans, mère de quatre enfants, qui s’exprime.
Entre 2010 et 2012, c’était une enfant quand elle s’est prostituée pour subvenir aux besoins de sa famille, installée à Madagascar depuis 2006. « Personne ne m’a forcée et je n’ai jamais eu de violence, tout se passait bien, c’était toujours protégé », poursuit- elle. Les clients, une dizaine d’hommes, dont deux ministres, appartenaient au gratin de la société malgache. Ils pouvaient donner 1 000 € ou offrir un scooter.
Quand elle a ouvert « ce dossier donnant le vertige », en 2013, Cécile de Oliveira, avocate de la soeur de la jeune femme, espérait que l’enquête déboucherait sur le démantèlement d’un « réseau pédophile au niveau d’un État ». Quinze ans plus tard, la pénaliste ne cache pas sa « frustration ». « L’incapacité d’une commission rogatoire internationale », conjuguée à la succession de sept magistrats instructeurs sur le dossier, a dilapidé les chances de remonter jusqu’aux clients.
Ce sont finalement les parents, divorcés depuis plusieurs années, qui comparaissent. La mère, 55 ans, est jugée pour soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation. Le père, 60 ans, casier vierge également, doit répondre de la même infraction, ainsi que du délit de proxénétisme aggravé par son statut d’ascendant sur la victime. « Monsieur n’a pas vu, ou plutôt n’a pas voulu voir », pointe le procureur, Yvon Ollivier.
Les faits se sont déroulés dans un contexte de faillite. En 2010, le père, conducteur de travaux, perd son emploi. La contestation de ce licenciement entraîne des menaces de son ancien patron et des dégradations au domicile de la famille, installée à Tamatave, une ville côtière à l’est de l’île. Endettés, les parents se mettent à boire et délaissent l’éducation des enfants. En 2011, ils manquent 49 demi-journées d’école. « Je n’ai pas été présente, j’ai manqué à tout », reconnaît la mère, la voix nouée. Informé de la situation, le consulat ordonne le rapatriement, avant de se raviser, une version de la famille que le procureur ne croit pas.
Les enfants finissent par être rapatriés à tour de rôle en 2011 et 2012, puis placés en Loire-Atlantique et en Ille- et-Vilaine. Les révélations de la fille aînée, la seule à avoir coupé les ponts, entraînent un signalement au parquet de Nantes, puis l’ouverture d’une information judiciaire.
« Une alliance surprenante »
Le père reconnaît la soustraction, mais pas le proxénétisme. Quand bien même la note de l’hôtel dans lequel la famille était un temps réfugiée, était réglée par un homme de 32 ans partageant la chambre de sa fille. « D’où croyez-vous que l’argent ramené provenait ? » questionne la présidente. « La pitié, la générosité, l’amitié », liste l’homme, qui concède uniquement avoir eu des « soupçons ».