POINT DE VUE
Virus de la grippe aviaire : faut-il se méfier des chats ?
Aude Lecrubier
1er avril 2025
D’après l’Association médicale des vétérinaires américains, depuis le début de l'épidémie américaine de grippe aviaire A
(H5N1) chez les vaches laitières en mars 2024, des douzaines de chats ont contracté le virus. La plupart des infections
sont survenues chez des chats vivant près d’élevages touchés par la grippe aviaire, chez des chats sauvages, mais
certaines infections ont depuis été observées chez des chats domestiques et attribuées à des aliments pour chats
produits dans le commerce et à du lait non pasteurisé (cru) contaminés, indiquent les Centers for Disease Control
(CDC).
Cette propagation chez le chat est-elle préoccupante ? Nous avons posé la question à Pierre Bessière, chercheur en
virologie à l'École Nationale Vétérinaire de Toulouse, auteur d’une étude sur la présence du virus de la grippe aviaire
chez les chats français. Interview.
En quoi une propagation du virus H5N1 chez les chats pourrait-elle être problématique ?
Le chat peut devenir un problème en santé publique si un virus aviaire infecte un chat, qu’il s'adapte au chat et que le
chat transmette à ses propriétaires un virus pré-adapté à l'être humain. Mais, à ce jour, un seul cas de transmission du
chat à l’homme a été rapporté. En 2016, un vétérinaire a été contaminé à New York après une exposition prolongée à
des chats malades alors qu'il ne portait pas d'équipement de protection individuelle. Aussi, début 2025, les CDC
américains ont publié un rapport qui indiquait qu'un chat avait contaminé un adolescent au sein de son foyer.
Cependant, l'article a été retiré dans la foulée. Était-ce une erreur ? Le retrait était-il lié aux directives de l'administration
Trump ? Nous ne savons pas.
Ce qui est sûr, c’est qu’il existe un risque aux États-Unis où les chats sont infectés via la viande de poulet cru et exposés
au lait contaminé des vaches qui ont été fortement touchées cette saison. Chez les bovins, le virus induit des mammites
gangreneuses : il est donc excrété dans le lait en quantité considérable. Cela pose problème pour les chats mais aussi
pour les gens en salle de traite. Je pense que si on voulait inoculer expérimentalement des êtres humains on ne s’y
prendrait pas autrement. En revanche, comme le virus influenza est très fragile, il n’y a pas de risque en consommant du
lait pasteurisé ou de la viande cuite.
Avec votre équipe, vous avez évalué la contamination des chats par le virus H5N1 en France, pouvez-vous nous
en dire plus ?
L'idée de notre travail était de déterminer dans quelle mesure les chats avaient été exposés au virus H5N1. Le chat est
intéressant car il est une bonne sentinelle de l'exposition des mammifères de manière générale aux virus influenza
aviaires. Il est à l'interface entre le monde sauvage et le monde domestique. Il peut être contaminé par des oiseaux
sauvages et par ses propriétaires. Il pourrait jouer un rôle de relais entre le monde sauvage et l’homme.
Nous avons donc fait une collecte de sérum de chat entre décembre 2023 et janvier 2025, soit sur 14 mois. Les chats
sélectionnés avaient accès à l'extérieur, vivaient en dehors des grandes métropoles et étaient âgés d'au moins un an.
Nous avons collecté un peu plus de 700 sérums sur la France entière et mesuré l’exposition passée sans connaître sa
date exacte. Mais, ce que nous savons, c’est qu’en France les virus de sous-type H5 ont commencé à circuler il y a une
dizaine d’années et qu’ils ont surtout circulé entre 2020 et fin 2023.
Quels sont les résultats préliminaires de vos analyses ?
Il semblerait que la séroprévalence se situe entre 1 % et 7 % en fonction des sous-catégories de chats. Elle dépend du
département où les chats vivent et de leur statut de chats errants ou domestiques. Dans l'étude, nous avons une
surreprésentation des chats errants parmi les animaux positifs. Pour les chats de propriétaire, les calculs montrent une
séroprévalence entre 1 % et 2 %, voire un peu plus dans les départements qui sont dits à risque parce qu'ils sont situés